La détection des ondes de gravitation

(Michel Royer)

 

L'objectif de l'expérience Virgo est la détection directe sur Terre des ondes gravitationnelles, prédites par la relativité générale d 'Einstein en 1917 et qui se caractérise par une modification de l’espace –temps due à des masses énormes comme les galaxies telle l’amas de la Vierge, d’où le nom de VIRGO, ou telles les trous noirs et les explosions de supernovae. Il s’agit de masses énormes et en accélération comme les pulsars, étoiles à neutrons en rotation rapide émettant un signal radio en impulsions (comme un phare).La principale difficulté vient de la petitesse du signal à détecter, proportionnel à G/c4 soit 10-40  Proportionnel aussi à la masse de la source on fait donc appel à une galaxie (masse 1010 fois celle du Soleil qui est déjà de 2.1030 kg)! On arrive avec ce choix à un besoin de détecter une variation de distance de 10-18 m, ce qui n’a encore jamais été atteint. On doit éliminer toutes les sources de vibrations mécaniques comme les microséismes, marées et même l’activité humaine en fonctionnant la nuit. Dans le passé on a testé la détection directe avec un pendule de très grosse masse, sans succès. La technique interférométrie est bien plus performante et c’est elle qui est choisie dans les années 80.

VIRGO est un interféromètre de Michelson géant dont chacun des bras est unecavité Fabry-Perot de trois kilomètres de distance entre les miroirs. Deux masses-miroirs, suspendues et libres, situées sur les deux trajets, sous l’effet de l’onde de gravitation, se déplaceront d’une petite distance en créant un déphasage (comme un anneau déformé en tirant sur un diamètre voit l’autre se raccourcir) et générera le signal à détecteur tandis qu’en son absence, en opposition de phase, les signaux s’annulent. En l’absence de signal on mesure le bruit du détecteur. En minimisant toutes les sources de perturbation on atteint le bruit thermique ultime du détecteur. Alors on le refroidit à -253°C pour diminuer un bruit proportionnel à T. Le faisceau optique est contenu dans un tube soudé et dégazé de diamètre 120 cm maintenu sous ultravide de 10-10 mbar et stabilisé en température à 0.1 K. L'effet du passage d'une onde gravitationnelle sur un tel instrument est une modification relative et périodique du temps d'aller et retour de la lumière dans les bras, après des réflexions multiples soit un trajet de 150 km. L'amplitude attendue de ces variations apparentes de longueur est de l'ordre de 10-18 mètre autour de 500 Hz. À cette fréquence, la sensibilité de Virgo est directement influencée par la qualité des composants optiques et mécaniques. Elle sera de 10-21 à 10 Hz et de 10-23 à 1 kHz.

La source est un laser Nd : YAG à 1064 nm ultra-stable en amplitude, direction et en fréquence et monomode, de puissance 10 W. Celle-ci est multipliée par résonance dans une cavité Fabry-Pérot pour attendre 1 kW.

Pour détecter une si faible variation, des performances hors du commun sont exigées. Ainsi les miroirs suspendus situés en extrémité doivent être stables en position à 10-18 m, alignés à 10-9 rad. également, Le poli doit avoir une rugosité de 0.1 nm sur plus de 350 mm de diamètre et la contamination particulaire inférieure à 1 ppm. Le vide doit être extrême et la température uniforme et constante. La suspension être insensible aux microséismes et marées.

Aujourd’hui, fin 2005, le seuil de sensibilité a été atteint, 10-18, et on s’efforce de gagner encore quelques décades.

VIRGO est réalisé par un consortium franco-italien CNRS-INFN, dans l’Observatoire européen de gravitation EGO, construit à coté de Pise et inauguré le 23 juillet 2003. Une centaine de chercheurs travaillent pour VIRGO.

Les Etats-Unis ont un projet concurrent un peu en avance appelé LIGO avec des bras de 2 et 4 km et une autre installation avec un bras de 4 km. Les observations commenceront en 2010. Les japonais ont un projet TAMA avec 2 bras de 300 m, le laser à diode émet 10 W la sensibilité en déplacement atteinte est de 10-18 m/√Hz.

Par ailleurs un autre projet de même but sera construit dans l’espace: LISA : un interféromètre ESA-NASA dans lequel trois satellites stationnaires et distants de 5 millions de km constitueront l’interféromètre spatial à satelliser en 2014. Il devra détecter un déplacement de 10-11 m. Mais il sera précédé par un démonstrateur technologique LISA pathfinder chargé de tester les équipements  Il sera placé au point de Lagrange L1 à 1,5 M km de la Terre en 2009.

En conclusion, sachant que le projet Virgo a débuté dans les années 80 et qu’il occupera encore deux décennies on constate que la détection des ondes de gravitation est un grand sujet de recherche.

Alain Brillet est actuellement le co-directeur de VIRGO. Plus d’infos : voir les sites du CNRS, VIRGO, EGO : http://wwwcascina.virgo.infn.it/.